Les premiers mots qui me viennent sont l’ouverture et la libération : le groupe m’a appris à parler
Je suis sortie de ma position de victime murée dans le silence, à présent j’assume davantage qui je suis sans craindre le jugement.
Le groupe est une « rééducation », pour tenir debout, toute seule.
Prendre ma place dans le groupe m’a bousculée. Quand je me suis présentée la première fois, je me souviens de l’émotion d’avoir parlé de mon histoire. Je tremblais, comme si je craignais le rejet du groupe, comme si je montrais le côté sombre, sale, de ma personne. Salie par cette histoire. J’ai vu le chemin parcouru quand Hervé a intégré le groupe récemment. Je n’ai pas ressenti le besoin de dire pourquoi j’étais là, je n’avais pas besoin de me « justifier » : pardonnez-moi, je suis honteuse, la vilaine petite fille qui a laissé faire son père. Je ne suis plus dans ce registre, maintenant j’avance avec cette histoire, peut-être comme une écharde plantée dans un doigt, mais elle ne m’empêche pas de vivre et de profiter de ce qui est bon à prendre.
Je me souviens d’avoir lu au groupe les premières lignes que j’avais écrites, enfant, quand j’avais pris conscience de ce que faisait mon père. C’était étrange de partager cette intimité, ce souvenir lointain, ce secret que j’avais construit comme un mur de protection contre le monde hostile. Je me souviens de l’émotion de Jenny après cette lecture, devant ma propre tristesse. Je crois que je me suis alors sentie humaine, simplement humaine avec ma vulnérabilité. Cette courte lecture a levé une barrière que j’avais dressée depuis toujours, je permettais à chacun d’entre vous et à Jenny de m’atteindre dans le fondement de ma souffrance.
A présent je me sens reconnectée avec ma petite fille, je suis allée la chercher, je l’ai retrouvée grâce aux journaux intimes ressortis l’année dernière. Comme si c’était le dernier maillon qui manquait à ma reconstruction.
Vous m’avez aidée à regagner la confiance perdue depuis si longtemps, la confiance en moi et envers les autres, à cause de la trahison et de la perversion de mon père.
La force du groupe est sa bienveillance, sa capacité à se connecter à travers ce qui est partagé, à travers les résonnances. Entendre l’un ou l’autre évoquer une expérience ou une souffrance, qui m’a touchée, que j’ai aussi ressentie. Nos trajectoires de vies sont très différentes et pourtant, nous avons toujours quelque chose à prendre et à donner. J’ai repris espoir en voyant le chemin parcouru grâce au groupe et à Jenny, pour trouver l’énergie d’aller plus loin.
Je me sens prête à continuer sans le groupe à présent.
L’horizon est dégagé, je poursuis mon chemin en tenant ma petite fille par la main, nous avons encore tant de choses à découvrir.